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Rencontre avec Sylvie Calascibetta

Interview réalisée à Deauville par H.R. Hours (avril 2023)

Sylvie, pouvez-vous nous expliquer comment vous est venue l’idée d’écrire un livre pour raconter votre parcours de vie et notamment cette agression qui est au cœur du récit ?

Le déclencheur a été qu’après ce braquage j'avais songé à mettre fin à mes jours. Même quand, comme moi, on aime la vie, cela arrive quand on a été victime d’un traumatisme, de violences, survivant(e) d’un attentat ou autre,. Mon père avait été meurtri par cet état dans lequel je me trouvais. L’idée de mettre mon histoire en récit est donc venue de lui en même temps que de moi-même. Je l’ai fait aussi en songeant que porter cette affaire sur la place publique permettrait quelque part de protéger ses petits-enfants, les générations suivantes, afin qu’ils n’en subissent pas à leur tour les conséquences.

Quelles ont été vos motivations et intentions pour ce projet d’écriture et qu’attendez-vous de sa publication, de ceux qui le liront ?

Il y a les raisons que je viens d’exposer mais aussi la volonté de faire savoir qu’en France la Justice n’est pas toujours rendue comme elle le devrait. Au pénal certaines personnes influentes ont la main suffisamment longue pour bloquer des dossiers compromettants pour eux ou leurs amis. Après une enquête tronquée, comme j’ai eu le sentiment de ne pas avoir obtenu gain de cause, je me suis sentie obligée de livrer tous les éléments factuels, circonstanciés dont je disposais, dans l’espoir de pouvoir rétablir la vérité. Seule cette quête m’a motivée. En aucun cas je ne cherche à incriminer qui que ce soit ni ne cultive un quelconque ressentiment. J’ai souhaité aussi que tout le monde sache, et en particulier les « Siciliens », que je n’étais pas la cible des braqueurs. Il s’agissait plutôt de mon ex belle-sœur et de sa famille mais aussi de la caissière napolitaine qui m’avait précédée. Tout cela est expliqué dans le livre.

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A travers ce récit témoignage, à quel public vous adressez-vous particulièrement ?

A toutes les personnes susceptibles de subir le même genre de situation ou l’ayant subi, aux victimes d’injustices qui n’ont pas obtenu de réponses satisfaisantes ou réparation, ou qui se retrouvent parfois en prison à tort, à la place des vrais coupables. Je veux leur faire comprendre qu’ils ne doivent pas laisser leur dossier en souffrance dans un tiroir ou aux oubliettes. C’est une invitation à écrire leur propre histoire, à en laisser une trace, processus qui peut d’ailleurs s’apparenter à une thérapie. Ce qui est déjà une première étape dans la résilience, à défaut de justice...

 

Quel est votre plus mauvais souvenir par rapport à cette affaire ?

J’ai subi ce braquage en mars 1998... Pour tout le monde cette date rappelle les bons souvenirs de la victoire des Bleus à la Coupe du monde de football mais pas pour moi ! C’est ma douloureuse piqûre de rappel ! J’étais alors dans un état d’angoisse et de sidération post-agression et, comme je l’ai dit plus haut, envahie par des idées noires, en pensant au suicide. Toutes les nuits je revoyais en cauchemar les yeux de mon braqueur (« l’indic’ ») ! Quand je faisais mes courses dans les grandes surfaces j’étais en proie à des malaises, près de m’évanouir au moment où je présentais le document de police qui remplaçait ma pièce d’identité dérobée lors du braquage. Pendant quelque temps je ne pouvais plus entrer dans une église car je me sentais souillée, comme après un viol. Autre mauvais souvenir, qui peut paraître plus anecdotique mais qui était important pour moi : le fait qu’on m’a volé une photo de ma grand-mère Rose et de moi, à laquelle je tenais. Je garde aussi en mémoire, aujourd’hui, que ce matin du braquage, si mes agresseurs avaient sorti des armes, j’aurais pu être assassinée au coin d’une rue qui menait à mon lieu de travail. Je n’oublie pas non plus que, lors de l’enquête, mon ex belle-sœur ainsi que l’ancienne caissière, pourtant a priori bien concernées par l’affaire, n’ont curieusement pas été convoquées...

 

Que vous a apporté l’écriture de ce livre ?

Raconter son vécu est souvent à la fois une souffrance et un soulagement. Soulever un coin du voile, essayer de faire la lumière sur certaines zones d’ombre négligées par l’enquête policière m’a aidé à mettre de l’ordre dans le déroulement des faits et dans mon ressenti, toujours dans l’objectif d’y voir plus clair sur les tenants et les aboutissants. Pour ce qui est du positif, j’ai tenu dans ce récit à rendre une sorte d’hommage à mon père, aujourd’hui disparu, en évoquant les valeurs morales qu’il s’est efforcé de nous transmettre. Le fruit de son travail nous a permis d’avoir une belle vie de famille. En relatant mon parcours j’ai réalisé que le soutien des proches, ceux sur qui on peut vraiment compter, comme le noyau dur de la famille, est essentiel, surtout quand on doit faire face à certaines adversités.

 

A propos de valeurs humaines, lesquelles comptent le plus pour vous ?

Le respect d’autrui et de soi, l’intégrité, l’honnêteté, l’humilité, la gentillesse, la justice pour tous, le courage, l’entraide familiale. Quand je pense que certains délaissent leur famille pour de l’argent, cela me heurte. La richesse n’a rien de honteux mais elle est surtout respectable quand on l’a obtenue honnêtement, par le travail, à la sueur de son front. Je pourrais ajouter aussi deux valeurs chères à ma sœur Martine : la franchise et la vérité. Et, bien sûr, ne pas porter atteinte à des personnes, ni moralement ni physiquement.

 

Pouvez-vous nous parler de votre vie actuelle ? Et comment envisagez-vous l’avenir ?

Je m’occupe d’enfants, qui sont adorables. Cette responsabilité m’apporte beaucoup de satisfaction. Comme j’aime les contacts humains je discute avec les personnes âgées dont je vois qu’elles peuvent souffrir de la solitude. J’éprouve le besoin de les protéger. Aimant les animaux, je garde des chiens lorsque leurs maîtres partent en vacances ou sont pris par leur activité professionnelle. Je travaille aussi dans la vente, pour une boulangerie-pâtisserie à Deauville. Comme dans ma jeunesse, quand je vendais sur les marchés, j’apprécie le contact avec les clients. A part cela, ma sœur et moi nous occupons le plus possible de notre mère. Mon souhait pour l’avenir ? Vivre simplement, en me centrant sur l’essentiel !

 

Etes-vous une grande lectrice et vers quels types de livres, quels auteurs vont vos préférences ?

Mes sujets d’intérêt dans ce domaine sont très divers. Je lis des « classiques » comme Stendhal, Flaubert, Daudet, Baudelaire, Dostoïevski, Camus (La peste, L’étranger), Sartre (Les mots), Pagnol, Bazin, Anouilh, ainsi que des auteurs aussi différents que Richard Wright, Agatha Christie, John Le Carré, Mary Higgins Clark, Marion Zimmer Bradley, Françoise Xenakis, Dominique Lapierre, Jean d’Ormesson, Tahar Ben Jelloun, Jean Rouaud... ou Marc Lévy ! J’aime les récits mais aussi les guides de voyage qui ouvrent à la connaissance du monde et des peuples. Je m’intéresse à la psychologie, de Freud à Boris Cyrulnik, et un peu au paranormal. Je suis très attirée par les récits autobiographiques, les histoires vécues. Dans ce registre je citerais en vrac, entre autres : Patrick Segal (J’en ai rêvé, tu sais), Robert Hossein (En désespoir de cause), Hugues de Montalembert (La lumière assassinée, A perte de vue...), l’abbé Pierre (L’insurgé de Dieu), Jean-Dominique Bauby (Le scaphandre et le papillon)... Idem pour les faits de société, les essais, documents et témoignages comme : L’intelligence du cœur d’Isabelle Filliozat, Le harcèlement moral de Marie-France Hirigoyen, L’esprit des religions de Hesna Cailliau, La vie explosée de Colette Bonnivard... Dans un registre pratique, suite aux circonstances juridiques que j’ai traversées, je me suis attachée à un moment à la lecture du Code de procédure pénale, très instructif... Sans oublier la Bible ! Même pour les non-croyants c’est un fabuleux recueil d’histoires !

Je précise ici que je n’ai aucune prétention de devenir écrivaine. A travers mon récit je me suis efforcée de livrer un simple témoignage, du mieux possible, sans penser un seul moment faire de la littérature...

 

Pour finir, avez-vous un message à adresser à vos lecteurs ?

Si, d’une manière ou d’une autre, ils sont sensibles à mon témoignage et se reconnaissent dans les mêmes difficultés que j’ai rencontrées, je les invite à « prendre la plume » à leur tour. Je les encouragerais en leur disant : « Ne lâchez rien ! Battez-vous pour faire émerger la vérité mais sans cultiver un esprit de vengeance. Tout le monde n’a pas la force ou la chance d’être bien entouré pour surmonter une épreuve, alors, au besoin, n’hésitez pas à solliciter une aide psychologique pour vous reconstruire ».

Pour réaliser son livre et son site web Sylvie Calascibetta a fait appel aux services rédactionnels et graphiques de www.partagedememoire.com

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